« Métaversique » ? Vous avez dit « métaversique » ?
eh oui ! le mot existe : je l’ai trouvé dans le rapport du Gouvernement publié le 24 Octobre dont voici des extraits choisis
« …C’est à la fois avec humour et sérieux que nous utilisons librement l’adjectif métaversique, pour souligner les possibilités plurielles et les horizons multiples des technologies sociales immersives, et inviter imagination et créativité sur ces sujets… »
Extrait du document de la mission sur le développement des métavers a remis son rapport le 24 octobre 2022
à Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, et Jean-Michel Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications.
Cette mission exploratoire a eu comme objectif, en un temps court, de présenter les enjeux des « métavers » pour la France. Elle pose, nous l’espérons, quelques jalons qui permettront de clarifier le débat, de saisir les opportunités émergentes, de mieux appréhender les risques du sujet et de rassembler l’écosystème français autour d’un horizon commun.
Les grandes lignes en sont résumées dans ce sommaire en deux parties, où la première s’attache à clarifier les termes et principaux acteurs, et la seconde à esquisser les axes d’une stratégie « métaversique » pour la France. C’est à la fois avec humour et sérieux que nous utilisons librement l’adjectif métaversique, pour souligner les possibilités plurielles et les horizons multiples des technologies sociales immersives, et inviter imagination et créativité sur ces sujets.
De quoi le Métavers est-il le nom ?
Ou comment résister à l’étroite vision de la Silicon Valley, raconter les futurs possibles des technologies de l’immersion, et rassembler l’écosystème français autour d’un horizon commun. Il existe une grande confusion des acteurs du secteur face au terme Métavers, qui est défini différemment par chacun (« c’est l’immersion », « c’est l’Internet », « non ! c’est le web », « c’est un assemblage de technologies »). Le terme est perçu avec une certaine méfiance depuis la campagne marketing de Facebook/Meta en 2021.
Ne jetons pas le bébé Métaversique avec l’eau du bain de Facebook !
Depuis plusieurs années, et bien avant que Facebook s’en préoccupe, le terme de Métavers est utilisé pour décrire l’horizon commun des technologies sociales de l’immersion. Ces technologies progressent à vitesse éclair : microélectronique (nano-oleds, capteurs de mouvement, spatialisation sonore), processeurs graphiques embarqués, rendus temps réel en haute résolution vidéo comme audio, etc. Les futurs réseaux sociaux, connectés et immersifs, émergent devant nos yeux, à travers nos écrans d’ordinateurs, de smartphones, et des premiers visiocasques et lunettes de réalité augmentée et virtuelle. Ils dessinent des horizons pluriels, qui appellent une vraie stratégie de la part des acteurs gouvernementaux afin d’en saisir les opportunités et les risques. Comme avant elle l’intelligence artificielle ou le cyber, cette « Stratégie Métaversique » devra contenir à la fois l’ensemble des grands enjeux du numérique et appeler à une compréhension granulaire des enjeux propres à l’immersion sociale.
Où est l’écosystème français du Métavers ?
La France possède de nombreux atouts à faire valoir dans cet horizon commun des technologies de l’immersion, tel qu’en témoignent les succès de grandes structures comme Ubisoft, Dassault Systèmes ou encore Ledger, ainsi que les multiples achats de startups innovantes par des groupes américains (Pixyz par Unity, Clay AIR par Qualcomm, Sketchfab par Epic, NextMind par Snapchat,…). La filière française de la création immersive a également donné naissance à des studios de fabrication reconnus mondialement (Atlas V, Small, Backlight Studio, Stage11, Innerspace, Emissive, etc.). D’autres projets innovants — indispensables pour naviguer et réaliser des transactions dans les métavers — sont en cours de développement afin d’offrir des solutions de gestion d’identités, de stockage décentralisé, ou de sécurisation des actifs numériques. Il en ressort ainsi que pionniers et pépites des métavers français se répartissent entre deux écosystèmes. Ces deux écosystèmes (qui sont aussi deux générations, et deux groupes d’acteurs différents) sont clairs et distincts. D’un côté, le premier écosystème réalité virtuelle / réalité augmentée / réalité mixte (ou réalité étendue) ; et de l’autre l’écosystème Blockchain / Web3 / NFT. Il y a des talents français dans ces deux écosystèmes. Une stratégie française des métavers doit nécessairement couvrir ces deux écosystèmes à la fois, même si en réalité peu les réunit à date. Les défricheurs français du courant VR/AR/XR sont réservés face à ce nouveau mot à la mode qui semble présenter à la fois un risque (« on va tout confondre ») et être porteur d’une promesse (de nouveaux financements, une attention renouvelée pour le secteur). Ils expriment leur inquiétude quant au manque de stratégie française pour soutenir ce secteur pionnier et se sentent courtisés à l’étranger mais peu compris et considérés en France. Cet ensemble est dynamique, mais disparate : il nous semble souhaitable de rassembler ces deux écosystèmes et de créer les conditions d’un dialogue entre tous les acteurs français des métavers, en concertation avec les organismes publics de recherche, pour faciliter l’émergence et la mise en œuvre d’une stratégie française des métavers.
Que nous dit la Joconde Métaversique ?
Malgré cette angoisse très présente, les acteurs du secteur culturel ne sont pas équipés d’outils permettant une compréhension claire des différents systèmes de distribution des contenus immersifs et de leurs modalités.
Afin de démontrer à la fois les enjeux, la complexité et les possibilités des différentes modalités d’expression des œuvres culturelles dans le métavers, la mission propose un exercice ouvert, celui de la Joconde Metaversique.
Cet exercice est une invitation à penser l’ensemble des déclinaisons possibles de la Joconde dans les formats divers des technologies de l’immersion : une Joconde en réalité virtuelle, que l’on pourrait explorer avec un casque Lynx en se promenant dans les différentes couches de peinture originelles du tableau ; une Joconde en réalité augmentée, qui permettrait aux jeunes visiteurs du Louvre présents sur site de taguer l’œuvre et de voir dans une galerie immersive les créations d’autres artistes et amateurs ayant été invités à taguer la Joconde ; une Joconde en tokens, permettant une levée de fonds et la constitution d’un DAO des Amis de la Joconde, etc. Bref, les déclinaisons sont quasiment infinies, et la mission recense quelques projets déjà réalisés et quelques pistes pour l’imagination. Au-delà de l’aspect ludique de l’exercice, ces déclinaisons de la Joconde Metaversique permettent de mieux expliciter la variété des formats et des canaux de distribution de ces projets, et la prédominance de certains contrôleurs d’accès (gatekeepers) qui sont souvent absents des débats sur la capture de valeur dans le secteur culturel pour les œuvres immersives (par exemple Apple, pour toutes les déclinaisons qui nécessitent une application smartphone). Pour être complet, il faudrait décliner l’exercice sur des œuvres spatiales et temporelles, ce qui dépasse malheureusement le cadre nécessairement limité de notre mission exploratoire.
Les 10 propositions pour l’avenir métaversique en France
- Se saisir de l’opportunité des Jeux olympiques pour rassembler les acteurs français des métavers autour de projets concrets au sein d’un consortium public/privé placé sous le pilotage d’Inria et pour proposer des actions de grande visibilité autour d’expériences immersives
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Réinvestir les instances de négociation des standards techniques, pour faire en sorte que la France et les principaux acteurs français (du secteur numérique de l’immersion, mais aussi de la recherche sur ces sujets) participent activement aux discussions sur l’interopérabilité des technologies de l’immersion.
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Amener la puissance publique à faire émerger les services communs et essentiels permettant l’avènement d’une pluralité de métavers interopérables.
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Développer une analyse rigoureuse des différentes chaînes de valeur des différents univers métaversiques
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Mettre en place des commandes publiques répondant aux objectifs de souveraineté culturelle et de souveraineté technologique
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Lancer dès maintenant le travail d’adaptation, notamment du RGPD, du DSA et du DMA, aux enjeux métaversiques.
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Investir dans les outils et les techniques d’analyse des univers métaversiques et des transactions qui s’y déroulent afin de permettre aussi bien la détection des infractions pour remonter aux auteurs que de percevoir l’impôt.
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Réaliser des investissements dans des initiatives de recherche interdisciplinaire
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Explorer des solutions écoresponsables et développer un système de mesure de l’impact environnemental des infrastructures du Métavers
Si vous souhaitez le lire en entier, vous pouvez le télécharger gratuitement ici – Mission Exploratoire – Résumé en PDF
La source de l’article : https://www.vie-publique.fr/rapport/286878-mission-exploratoire-sur-les-metavers